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Dimanche 7 juillet 2024
Spécial dédicace à la base vie de Petite Normandie
Une dernière chronique déchroniquée
J’ai dû m’éclipser juste avant la fin du « meeting » du vendredi d’Omeyra Hnaisselin à la base vie de Petite Normandie. Une navette passa m’arracher de ma maison. A la va vite, comme on le fait d’un sparadrap pour minorer l’intensité de la douleur. A peine installé dans ce minibus à touristes, je me trouve plongé dans un tout autre monde. Celui que je ne fréquente pas hormis lors des rencontres entrecroisées et ponctuelles. Le monde des entrepreneurs… pour l’essentiel métropolitains. A part le chauffeur, « calédonien polynésien », aucune personne n’est vraiment originaire du pays.
Arrivé à L’aéroport international de La Tontouta, on passe le premier contrôle, vérification des identités « listées » des passeports, puis une seconde zone barbelée autour de la salle où les passagers sont filtrés. Il règne une ambiance glauque et morose.
40 heures de trajet entre Nouméa et Paris. La navette dépose ses clients et s’en retourne aussitôt à Nouméa afin d’éviter d’être en dehors des horaires interdits par le couvre-feu. A la Tontouta, 9 h d’attente. Ensuite vol d’une dizaine d’heures jusqu’à Singapour. Où on devra patienter 19 heures en transit. Et de nouveau une autre dizaine d’heures de trajet pour atteindre Roissy. Lors du transit, j’ai pu échanger avec des personnes s’absentant du territoire. Et dans l’avion, assises à côté de moi, deux femmes originaires du sud-est, clientèles du RN : « Les Arabes à Fréjus manifestent du côté kanak ». Mais pourquoi ? « A cause de la guerre d’Algérie ! » Feignant l’étonnement : « Ah ! bon ! Pourtant, ça n’a aucun rapport ! »
Que dire ? Comment dire ? A écouter ces bribes de conversations, malgré un humanisme sincère à la « Camus » de certains, l’économie artificielle est construite de toutes pièces pour et par ces entrepreneurs expatriés. Elle fait leurs profits, leurs modes confortables d’être et de vie. Le couplet entendu : « J’ai passé plus de 30 ans de ma vie … » Certes, il est vrai que certains éprouvent une réelle empathie avec les « Mélanésiens ». Pestant contre l’irresponsabilité des élus politiques. Accusant l’inégalité : « Ils ont construit des enclaves pour loger les Océaniens … Ce sont de véritables explosifs ! Les politiques sont arrogants !»
L’un d’entre eux authentique et passionné : « La Nouvelle-Calédonie est magique. J’ai travaillé en Martinique, Guyane, Afrique… mais ici, c’est magique, c’est mystique ».
Les gens ne feignent pas. Ils sont réellement catastrophés ! Ils comptent y revenir, y rester. En définitive, la plupart sont venus par des relations (parentés, amis etc.) et ceci explique ces exodes « calculés ». On peut renégocier sa vie et/ou faire du profit sous le soleil exactement.
Tristes tropiques !
Mais cessons d’exagérer ! Que n’avaient-ils refusé ce coup de force du corps électoral au lieu de soutenir et cautionner les appétits de puissance !
Le milieu
Qui écrira un jour un essai, à hauteur de celui sur le milieu du philosophe japonais Watsuji Tetsurô, sur la dérégulation du décalage horaire ? La Nouvelle-Calédonie est à 17 heures à vol d’oiseau de France. Mais aucun individu aquatique, terrestre, céleste ne fait un tel trajet sans faire l’épreuve de traverser physiquement des milieux. On se déplace toujours avec son corps. La physiologie, le mental, les idées inadéquates… Tout est bousculé. A travers ces transits, on voit se transporter des populations pérégriner en transit et déambuler par les implantations des nombreux commerces détaxés. Je suis déphasé. Je passe d’une société coloniale, avec ses mœurs et coutumes, à une autre, « modernisée ». D’autres plans, d’autres lieux, d’autres histoires. Difficile de comprendre, de se comprendre !
Je suis en plein « décalage horreur ». Déphasé, désaxé, en rupture et disjonction avec ces différents milieux.
Pour finir, un zeste de politique
Emmanuel Tjibaou, élu député indépendantiste. Nicolas Metzdorff, réélu député anti-indépendantiste ! Les jeunes populations kanak se sont mobilisées pour voter. Nicolas Metzdorff élu par Nouméa et une portion des trois communes limitrophes avec le report des voix de « Calédonie ensemble » et de « l’Éveil océanien »! Les quartiers nord et les îles Loyauté avec l’île des Pins l’ont sanctionné lui attribuant un score ridicule !
Il est clair que si le troisième référendum avait été tenu dans des conditions normales, le « oui » à la souveraineté et à l’indépendance l’aurait emporté. Un jour l’indépendance sera là ! Un jour ou l’autre ! Pour moi, ça crève les yeux. Il n’est de pire aveugle que celui ou celle qui ne veut pas voir !
Et maintenant, est-ce que les choses changeront ?
Oui si et seulement si les politiques exercent correctement leur métier. Et se mettent au service de la « polis », de la Cité en cours, en devenir. Oui si tout ce monde entend la voix du scrutin, celle des jeunes Kanak en colère !!!!
Je dirai que les révoltes et violences, ayant éclaté à partir du 13 mai, furent un mal nécessaire !
Pour finir, moi, à mon niveau, j’ai fait mon job !
Du 13 mai au 6 juillet, investi sur le terrain, avec des camarades, des mamans, des jeunes, des moins jeunes, à lutter dans le mouvement, j’étais heureux, fier, content d’avoir partagé avec ces personnes des moments plus ou moins difficiles et des risques certains.
J’ai assumé une responsabilité, à mon niveau : chroniquer, chroniquer, chroniquer pour en faire rester quelque chose.
Je pense à tous les gens de la base vie de Petite Normandie. Pour qui et par quoi ont commencé ces chroniques. J’espère qu’ils pourront les lire prochainement. Ce sont leurs chroniques, ce sont leurs histoires.
Mercredi 10 juillet 2024. Une petite mise au point .
Nicolas Metzdorf le député de Nouméa la Blanche
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N’ayant pas encore les yeux bien en face des trous, je me suis aperçu d’une erreur dans la dernière chronique. Nicolas Metzdorf (avec un seul f) n’a été élu strictement qu’avec les voix des populations des quartiers sud et résidentiels de Nouméa. Nouméa la Blanche. Et non pas, comme je l’avais écrit rapidement, avec le report des voix des trois mairies limitrophes, Païta, Dumbéa, Mont-dore. Ces trois communes font partie de la deuxième circonscription. Ce qui signifie en clair que Metzdorf est le député du dernier bastion du petit empire colonial français. Pas de quoi pavoiser ! Je saisis mieux les mines déconfites des directrices de cabinet politique de Metzdord et Ponga sur le plateau de la télévision locale. Catastrophées, elles mesuraient que plus rien ne sera plus comme avant. Le mouvement pour l’indépendance et la souveraineté prend forme et en plus il se rajeunit. Sur ce point précis, je renvoie à l’analyse percutante de mon ami, frère, camarade, Georges Waixen Wayewol qui sera prochainement publiée.
Note de la courte échelle éditions transit : nous remercions Hamid Mokaddem de nous avoir confié ses chroniques et de nous avoir permis de partager ces journées historiques au plus près de la Base vie du barrage filtrant de Petite-Normandie en Kanaky. Notre intention est d'éditer ces chroniques le plus rapidement possible.
Photo : autoportrait de l'auteur à la Base vie du barrage filtrant de Petite Normandie