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Waixen Wayewol. Point de situation au lendemain des législatives en Kanaky-Nouvelle-Calédonie

Publié le 10 Juillet 2024 par Waixen Wayewo in Actualité, Kanaky Nouvelle Calédonie

Le 09/07/2024

Point de situation au lendemain des législatives du dimanche 7 juillet 2024

Préliminaire 

Nous sommes sur une terre de violence exacerbée par des rapports coloniaux. Parler de paix et de dialogue dans ce contexte, même empreint de sincérité, c’est aller à contre sens et mal venu, dans la mesure où la violence est intrinsèquement liée à ce rapport, légalisée pour être institutionalisée congénitalement. La violence y est d’abord contenue puis agitée pour sauter comme le couvercle d’une marmite sous pression. C’est à l’image de tous les évènements dramatiques qui ont à chaque fois jalonné l’histoire de notre pays, depuis sa prise de possession. La paix ne se décrète pas en claquant du doigt et d’une volonté déclarative. Elle passe en préalable par la condition de l’élimination de ce rapport colonial, pour tendre vers l’émancipation en tout point de vue, social, économique, politique, culturel et éducatif. La civilisation kanak s’appuie sur sa culture qui fait la promotion du rapport non pas de domination des uns sur les autres, mais la recherche continuelle des équilibres. Les déséquilibres ont un sens que dans la mesure où ils nous obligent à aller rechercher de nouveaux rapports des équilibres socialisants. Cette dynamique de l’aller-retour nous oblige à chaque fois à revenir sur les fondamentaux pour donner du sens à notre vie. Les colonialistes ont cette tendance d’instinct de survie qui consiste à se recroqueviller sur leur sentiment d’insécurité et de peur. Ils se construisent des barrières et des murs physiques comme virtuels infranchissables en s’abritant derrière le besoin sécuritaire de la présence française. Ils s’opposent au peuple kanak, peuple premier de l’endroit qui n’exprime que son droit de recouvrer sa liberté et sa souveraineté dépossédée en 1853. C’est cela la réalité coloniale qui comprime toute paix et court circuite tout dialogue. La seule paix viable c’est la restitution de la souveraineté au peuple kanak et le dialogue se construira autour d’une nouvelle identité que les nouveaux liens et rapports vont tisser. Le 8 décembre 2000, à la fin de la première Décennie internationale, l'Assemblée générale a adopté la résolution 55/146, instituant une deuxième Décennie internationale de l'éradication du colonialisme pour la période 2001-2010. Nous sommes en 2024, et le colonialisme sévit toujours directement, et indirectement par des formes de néocolonialisme ou d’autres formes modernes d’esclavagisme et d’asservissement, qui ne disent pas leur noms. Il est inadmissible et inacceptable qu’encore aujourd’hui la Kanaky et pas que, soit encore sous tutelle d’une puissance étrangère selon la définition du droit international. Il faut se le dire la Kanaky n’est pas la France, pas plus que sa propriété. Lorsqu’on est étranger dans un pays, on y vit en respectant les règles, les us et coutumes du dit pays d’accueil, personne n’est contraint à y rester s’il veut s’en aller car les règles et le mode de vie ne lui conviennent plus. Ici en Kanaky on vit des règles imposées par ailleurs pour des gens d’ailleurs ignorant les règles de droit des gens de l’endroit.

Des législatives du dimanche 7 juillet 2024

Seuls les aveugles ne voient pas comme les sourds n’entendent pas, pour s’étonner du score des indépendantistes déjà majoritaires électoralement depuis 2019, confirmant la progression inexorable depuis le premier référendum. Les indépendantistes kanak lancés sur le chemin de l’émancipation continuent de convaincre sur leur projet de société en allant chercher les autres Calédoniens. C’est l’explication la plus rationnelle du ralliement, dont longtemps les autres communautés ont été écartées par le clientélisme politique. Le peuple kanak a été rejoint dans sa quête de souveraineté pour prendre démocratiquement la majorité au congrès et présider le gouvernement du pays. Dans la logique de cette progression, le oui l’aurait emporté puisque 56% des électeurs indépendantistes ont répondu au mot d’ordre de non-participation. Pour les législatives du 7 juillet 2024 nous sommes exactement dans l’orbite de la projection de la dernière consultation référendaire, créditée de 3 points supplémentaires ou plus (47% à 53 %) sachant que le corps électoral appelé à se prononcer est restreint. Lequel précisément le peuple kanak a demandé de différer le temps du deuil et qui n'a pas été entendu. Kanaky est bien accrochée au bout maintenant, il faut la décrocher d'ici le 24 septembre 2024 et la préparer à intégrer le concert des nations libres. Nous sommes rentrés en période de transition depuis déjà un moment.

L’élection un mode désignation au même titre que d’autres modes de désignation

Une élection reste une élection, elle exprime une idée, une pensée, une idéologie, un projet derrière la candidate qui l’incarne. Metzdorf et Backes ont mis de l'huile sur le feu, ils portent la responsabilité de leurs propos. Quelle est l’explication rationnelle d’une élection législative de portée nationale avec un corps électoral largement ouvert des indépendantistes confinés dans une minorité chronique verrouillée pour arriver miraculeusement devant les non indépendantistes avec 10 000 voix d’écart, en à peine 4 ans, portés par deux jeunes novices dans la politique. D’où vient cette génération spontanée d’indépendantistes pour finalement admette que pendant longtemps on a contenu une réalité qui a fini par percer l’abcès. La réalité que Kanaky est là depuis toujours et qu’on refuse obstinément de la voir. Il faut la construire maintenant, et arrêter de faire comme si ce pays n’est pas le pays des kanak. Par trois fois les Kanak ont ouvert leur droit d’autodétermination aux autres. Aucun peuple dans le monde n’a mieux su faire que les Kanak, pour le bien d’abord du pays. Mais faisons les choses les unes après les autres et ne confondons pas vitesse et précipitation. Remercions les autres communautés qui formeront le peuple du pays autour des Kanak pour leur confiance car la tâche n’est pas évidente.

La gauche au pouvoir faut-il craindre ou espérer ?

Dans un passé récent, nous avons expérimenté en pratiquant la gauche française qui n'est autre que la gauche française. Nous n’oublions pas que c’est sous la présidence de Mitterrand en mode cohabitation que nous avons subi la plus féroce des répressions avec l’intervention de l’armée coloniale et leur commandos spécialisés sur l’île de Iaai. Nous n’avons rien oublié mais nous avançons toujours. La gauche nouvellement installée va devoir composer avec d'autres forces politiques de droite et cohabiter avec Macron s'il reste au pouvoir. Le combat du peuple kanak reste le combat du peuple kanak. On fera avec le nouveau front populaire, mais on compte surtout et d'abord sur nous-même. C'est notre lutte qui déterminera les solidarités et coopérations à venir en fonction des rapports et des enjeux en jeu. On apprécie sur pièce en tirant les leçons de nos expériences politiques, et on avance ainsi sans autosatisfaction ni enthousiasme démesuré. On reste serein.

Waixen Wayewol.

Voir également : Waixen Wayewol. Nouméa. Lettre ouverte au peuple de France pour Solidarité entre nos peuples

 

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