Ce que parler veut dire
On est déjà demain prophétisait Déwé Gorodé. L’indépendance au présent martelait Paul Néaoutyine. Tous ces rapports vertigineux au déroulé du temps politique.
Lundi 10 juin. Nous étions convenus de nous réunir pour palabrer à Tina village. Un quartier récent, situé au-dessus du quartier plus ancien de Petite Normandie, en face de la carrière de Normandie. Ne pas confondre « Tina sur mer », où réside la bourgeoisie barricadée, avec « Tina village », quartier populaire où ont été relogées, entres autres populations, des familles expulsées d’anciens squats. Allez demander aux urbanistes le pourquoi de ces toponymies ! Aucune gentrification, mais de sommatives ségrégations.
A Tina village, la discussion peinait à s’enclencher. Les deux anciens Bernard H. et Sylvain B. ouvrirent l’un par un discours coutumier et l’autre, par une généalogie du mouvement depuis novembre 2023. Ah ! Le style kanak ! La force du rituel !
Bernard H. commençait par expliquer le positionnement de « Normandie » : depuis un mois, silence des élus. On demande qu’ils démissionnent pour venir sur le terrain. Le 13 mai à Montravel, Rivière Salée, face aux violences répressives des forces de l’ordre, les « juvenes », les jeunes, avaient riposté en foutant le feu. Le Haussaire croyait localiser les points d’ébullition, Saint-Louis, Montravel, et contrôlait la situation. Or les prétendues « émeutes » ont explosé partout. Une contestation étonnante et destructrice. Toute création ne commence-t-elle pas par un acte de destruction ? Sylvain B. revenait sur l’historique du mouvement daté de novembre 2023 pour mieux clarifier les raisons de la révolte.
Hier 12 juin, veille de l’AG du jeudi 13 juin, à la base vie de Petite Normandie, fatigue et lassitude n’auront pas eu raison de la force de la parole. Les discussions prennent forme. Le mot d’ordre change : rétablir la circulation du fait de mort de la loi constitutionnelle du corps électoral.
De manière gauche, forcés par les anciens, les jeunes prennent publiquement position. Eux veulent continuer. La conscientisation politique. On reformule le mot d’ordre. On n’offense ni ne rabroue personne. Faire en sorte que les jeunes se réapproprient leur mouvement, le pensent, le discutent, le font vivre. Surtout les très jeunes. Du reste, ils ne veulent pas en rester là. Ils peinent à s’exprimer, à prendre la parole. La tradition, l’autorité des anciens, le respect, l’insécurité linguistique, avant tout, la reconnaissance de leur combat.
Les conflits, la dureté du réel, les vies volées, les emprisonnements, les destructions, exhortent les Gens à penser. Émeutes, racismes anti-blancs, les gargarismes des saltimbanques médiatiques ratent la dimension du penser. Manquent de parole.
Le petit monarque Macron suspend la loi. Il est en suspens. Nous. Nous voudrions que les gendarmes mobiles soient rappelés chez eux. Du reste, ils n’ont qu’un désir, quitter la Nouvelle-Calédonie, ce terrain inconnu.
Les jours à venir vont être des tournants majeurs pour la suite. Speech Act ? Performatif ? Les gens iront parler, palabrer, décider, agir en conséquence.