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Chroniques des lundi 10 et mardi 11 juin. Hamid Mokaddem. Nouméa

Publié le 11 Juin 2024 par Hamid Mokaddem in Kanaky Nouvelle Calédonie, Contribution, Chronique

Fatima Kouadri Mokaddem. Dessin HM

Fatima Kouadri Mokaddem. Dessin HM

« Parle avec les oiseaux ! »

Fatima Kouadri Mokaddem


Macron un président qui tire plus vite que son ombre

Nous vivons l’imprévisibilité et la précipitation. Les choses se dénouent au moment où personne ne s’y attendait. Le président de la République dissout l’Assemblée nationale. Petits effets grande cause à moins de dire l’inverse, grande cause petits effets. La loi constitutionnelle sur la modification du corps électoral paraît être caduque. Les deux députés de la droite européenne coloniale, Philippe Dunoyer et Nicolas Metzdorf, des deux circonscriptions taillées sur mesure pour l’électorat anti-indépendantiste, sautent et devront faire campagne électorale pour prétendre récupérer leur siège. Ce qui est salutaire.

Faudra-t-il attendre le 15 juin pour que FLNKS et CCAT décident de présenter leurs candidats? L’UC, composante du FLNKS, y est favorable. Le Palika ne se positionne pas encore. Premier tour des élections législatives le 30 juin, second tour le 7 juillet. L’AG de la CCAT est programmée le 13 juin à Azareu dans la commune de Bourail (nord de la province sud) ; dans la foulée, congrès du FLNKS le 15 juin à la tribu de Netchaot (proche de Koohné), dans la transversale Tiwaka Koohné. (Les lecteurs consulteront une carte de la Nouvelle-Calédonie !)

Le FLNKS est-il en mesure de s’entendre pour proposer deux candidatures communes connaissant les rivalités et compétitions internes entre les deux partis « cadors » – avec tout le respect que je leur dois – l’UC et le Palika ?

 

Deux ou trois choses que l’on sait du Droit et du FLNKS

Du droit

Emmanuel est notre plus radical indépendantiste et sert la cause du mouvement. En effet, à lui tout seul, sans congrès, sans concertation, il rend caduque la loi constitutionnelle. Ah ! Cette République, si hostile à la monarchie, qui nous pond des monarques décidant à eux seuls du sort de la France. « Je vous ai entendu ! » Mais n’entendent-ils que les voix des urnes tous ces présidents ?

J’ai sollicité la compétence de Jean-François M., un des meilleurs experts du dossier calédonien et je copie la réponse à une question posée sur le devenir de la loi constitutionnelle :

La révision constitutionnelle est morte-née. Il ne semble pas possible de soumettre au Congrès un texte comportant une date d'application antérieure à l'examen du texte ! Et comme le Congrès ne peut pas modifier le texte, il faudrait donc en soumettre un nouveau à chacune des deux chambres ; donc, ce n'est pas demain la veille.
La loi organique fixe les élections provinciales au plus tard le 15 décembre 2024. Si cette date butoir est maintenue, en l'absence de révision constitutionnelle, elles auront lieu avec le corps électoral actuel. Ce qui ne prémunit pas contre des risques juridiques, notamment au niveau de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme). Pour repousser les élections provinciales en 2025, comme le permet l'avis rendu par le Conseil d'Etat, il faut faire voter une nouvelle loi organique.

Alain Christnacht, un autre expert, que je puis citer puisqu’il exprime en son nom un point de vue sur un réseau social, est du même avis. Hier à la télévision locale, une juriste de droit public, non experte en droit constitutionnel, en poste à lUniversité locale, donne un avis contraire. Avis fort peu argumenté. Philippe Dunoyer, invité du même journal, dit la même chose, la loi n’est pas invalidée. Nicolas Metzdorff aussi. Au vu de la couleur politique (“blanche”) de ces trois personnes, le FLNKS et la CCAT ont tout intérêt à ne pas se faire séduire par ces chants de sirène et devraient tenter leur chance. Grâce au camarade Macron, le mouvement indépendantiste peut changer la donne de la représentation politique nationale en Nouvelle-Calédonie. Deux députés kanak indépendantistes à l’Assemblée nationale, ça nous changerait; ils seraient plus efficaces et plus représentatifs du Pays. Avant le charcutage “Pasqua”, il y avait eu les députés Maurice Lenormand puis Roch Déo Pidjot. Deux envergures politiques douées de charisme, de rhétorique et d’intelligence. Ils savaient parlementer pour défendre les dossiers contribuant à la croissance et au devenir de la Nouvelle-Calédonie. Intérêts autres que ceux de la “France australe”.

Seulement voilà, entretemps, Pasqua est passé par ici. Avant Macron, en 1986, on avait eu Chirac et son gouvernement de cohabitation avec les Pons aux outre-mer, Pasqua à lintérieur, et Giraud je crois, à la Défense. Pasqua a charcuté le territoire favorisant la clientèle “blanche” anti-indépendantiste. La répartition inégalitaire des populations joue en faveur de la droite “coloniale”. La première circonscription Nouméa, l’île des Pins et les îles Loyauté, la deuxième, les trois communes agglomérantes de Nouméa, Mont-Dore, Païta, Dumbéa et l’intérieur. Nouméa la “blanche” et les trois communes aglomérantes Païta, Mont-Dore, Dumbéa, votent majoritairement et traditionnellement contre l’indépendance.

Cependant les populations des îles et de l’intérieur, voire des communes agglomérantes, sont fatiguées de Nicolas Metzdorf, responsable et partisan de la loi constitutionnelle ayant provoqué le désordre. On voit mal ce candidat présenter sa bobine pour faire campagne électorale dans le Nord. Sonia Backès? C’est encore pire. J’apprends que la présidente de la Province sud s’est faite refouler par les chefferies de Bourail qui l’ont sommée de retourner d’où elle venait, Nouméa la blanche. Par ailleurs, si les Gens des Îles, en majeure partie kanak, ne soutiennent plus la candidature de Philippe Dunoyer, militant du parti Calédonie ensemble, les cartes seront redistribuées. Et puis franchement, disons-le tout net. Qu’est-ce qu’ont fait ces deux députés pour la Nouvelle-Calédonie?

Encore faudrait-t-il que les populations des îles se mobilisent ainsi que les nombreux autres Kanak situés à Nouméa ou dans les trois autres communes agglomérantes. Par souci d’ancrage, ils votent (parfois par procuration) dans leur lieu de résidence natale (Province nord et îles). Par ailleurs, sont-ils inscrits et en règle avec leur carte d’électeur? La sociologie politique indique que les électeurs chevronnés proviennent des classes sociales supérieures et/ou des milieux populaires militant.e.s d’extrème droite.

Allez! Une fois n’est pas coutume! Au boulot les cadres politiques du FLNKS ! A vous de jouer!

 

Du FLNKS

Mais parlons “avec respect et humilité” du FLNKS.

La force du FLNKS est la concertation entre partis politiques ayant une histoire, une sociologie et une culture différentes. Avant de prendre une décision, les partis se concertent à l’instar de la nomination d’un clan-souverain-chefferie par les autres clans dit sujets. Le pouvoir d’une chefferie des structures politiques kanak constitue un point souverain d’équilibre. Un peu comme l’architecture d’une case qui représente l’organisation sociale hiérarchisée. Le poteau central est soutenu par les autres poteaux cerclant le pourtour. Cette force fait aussi sa faiblesse. Pas de poteau central, pas de cohésion ni d’unité. Ainsi, faute de concertation, il n’y a toujours pas de président du FLNKS. L’autre inconvénient est l’absence de prévision et les difficultés de prendre des décisions en urgence. Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné avaient payé de leur vie d’avoir osé prendre seuls la responsabilité de signer l’accord de Matignon. Hier à la télévision locale, l’un des cadres les plus brillants du Palika, Jean-Pierre Djaïwé, se plaignait de l’urgence et de la précipitation de la méthode d’Emmanuel Macron.

Il faut bien dire aussi “avec respect et humitié” que le vieillissement et l’usure des cadres politiques kanak et océaniens au FLNKS jouent en défaveur d’une chance de victoire électorale. Au sein du FLNKS, ce jeu lassant de compétition interne entre l’UC et le Palika fatigue tout le monde. Sauf les serviles consultants, payés à flatter et conforter par leurs analyses oiseuses les cadres du FLNKS. Et le résultat est qu’aucun n’a vu venir la révolte des jeunes Kanak à Nouméa et Grand Nouméa tant ils/elles étaient endormi.e.s dans leurs ronrons de négociateurs professionnels. Il est encore temps de sortir de ce sommeil.

Le Front de libération nationale kanak (et) socialiste – je suspends de savoir la teneur actuelle du “socialisme scientifique” du parti “marxiste” du Palika – est composé de deux partis leaders, l’UC et le Palika. Sans vouloir les offenser, ces deux partis jouent un peu le rôle de “grand-frèrevis-à-vis des deux autres partis “petits frèresl’UPM (Union progressiste en Mélanésie) et le RDO (Rassemblement démocratique océanien). Le RDO, comme son nom l’indique, est un parti politique indépendantiste composé d’une frange des communautés calédoniennes d’origine wallisienne et futunienne favorables à lindépendance kanak de la Nouvelle-Calédonie.

L’UC (Union calédonienne) avait toujours joué un rôle hégémonique du temps des figures emblématiques et charismatiques telles que Roch Déo Pidjot, Maurice Lenormand, Jacques Iékawé, Jean-Marie Tjibaou, Eloi Machoro, Pierre Declercq, Yeiwene Yeiwene, Raphaël Pidjot, jeune PDG kanak de la SMSP (Société Minière Sud Pacifique). Tous décédés de mort violente, assassinés ou tués comme Raphaël Pidjot dans un accident d’hélicoptère, à peine âgé de 40 ans, ou mort de crise cardiaque ou cancer, je ne sais plus, comme Jacques Iekawé, alors qu’il avait été nommé secrétaire de la CPS (Commission du Pacifique Sud).

Les médias confondent souvent UC et FLNKS. Ce dernier parti en joue et s’appuie sur sa légitimité historique, le sacrifice de ses leaders morts pour la cause kanak. Le plus célèbre, Eloi Machoro, mais aussi Alphonse Dianou, exécuté par les forces de l’ordre, après sa reddition, dans l’île d’Ouvéa. LUC, créée en 1953, est l’héritage de deux mouvements associatifs chrétiens (catholique et protestant) fondés en 1946-1947, pour contrer la montée en puissance du communisme dans les tribus kanak. L’UC ne s’est positionné pour l’indépendance qu’en 1977. Le Palika, en dehors des institutions, militait pour l’indépendance kanak à sa création en 1976. Il en est bien revenu et siège depuis les années 90 dans les institutions en battant pour certains élus le record de longévité dans les mandats.

Le Palika (Parti de libération kanak) n’a pas du tout la même culture politique que son rival UC. Il se revendique du “socialisme scientifique” et il est vrai qu’on trouve cette méthode dans la “doctrine nickel” de l’actuel président de la Province Nord, Paul Néaoutyine, un des fondateurs du Palika. Je me souviens que mon amie Déwé Gorodé avait entrepris un long travail de philosophie marxiste retraçant l’histoire de la dialectique depuis les Grecs jusqu’aux marxistes contemporains pour finir sur le socialisme scientifique kanak. J’avais ironisé sur l’ampleur de l’entreprise. Elle m’avait affirmé avec sévérité qu’il fallait bien d’abord entreprendre cette longue enquête historique. Une sacrée femme dont bien peu mesure l’envergure de l’œuvre et de la dimension politiques.

UC et Palika s’entendront-ils au prochain congrès du 15 juin prochain pour soutenir une ou deux candidature(s) commune(s)? Le leader de la CCAT, bien qu’il joue sur les deux tableaux (CCAT et UC), est un militant UC, pourquoi ne pas le nommer candidat contre Dunoyer dans la première circonscription et choisir un candidat consensuel contre Metzdorf dans la deuxième circonscription? Oui mais qui? Il y a bien des jeunes cadres kanak UC comme l’actuel maire de la commune de Houaïlou. Il commence à se faire reconnaître et a la capacité d’éplucher et de défendre des dossiers. Mais le Palika uni avec le RDO et l’UPM seront-ils d’accord? Je mets des italiques à “unicar l’acronyme UNI (Union nationale pour l’indépendance) fut une idée géniale de Paul Néaoutyne pour se démarquer de l’usage par l’UC du nom FLNKS lors des listes pour les élections provinciales du Nord dans les années 90. L’UNI comprend le Palika, le RDO et l’UPM.

Si le FLNKS, dans la première circonscription, fait une alliance avec l’Eveil océanien, parti composé de Wallisiens et Futuniens, pour l’essentiel résidant dans les communes des agglomérations (Païta notamment), ils auront de forte chance de gagner les élections. Mais est-ce possible?

Le temps de concertation océanien et kanak nécessite palabres, discussions, certes efficaces en Océanie, mais complétement inefficaces dans les catastrophes provoquées par le révolutionnaire de palais Macron. L’argument de l’UC est de dire qu’au moins un député kanak indépendantiste ou pourquoi pas océanien indépendantiste soutiendrait le sénateur UC, Robert Xowie.

 

La Base (de Petite Normandie)

Normandie est un nom célébré en France. Ici c’est le nom du secteur. Normandie et Petite Normandie. Plus loin Pont des Français. Interdiction de rire!

Nous les petits, en bas, à la base, sur le terrain, on essaie de modérer et tempérer les ardeurs et colères des “jeunes”. Ils veulent en découdre. Et faire démissionner les élus kanak indépendantistes pour mettre en place un gouvernement provisoire. Les faire revenir sur le terrain. Comme en 1985 avec le gouvernement provisoire de la République de Kanaky, conçu … par l’UC. Mais entre 1985 et 2024, il y a eu beaucoup de changements. La situation n’est plus identique. Avec l’ancien, Sylvain B., on essayait d’apporter des éclairages historiques et politiques pour clarifier la donne. Avant de se positionner, placés à notre niveau, on doit bien réfléchir.

Par exemple, les Régions, puis les Provinces, furent créées grâce au sang versé des morts transformés en ancêtres : Eloi (Machoro), Jean-Marie (Tjibaou) et Yéyé (Yeiwéne Yeiwené). On ne peut pas, sauf à faire le jeu des déstabilisateurs de la droite européenne locale, déligitimer les élu.e.s indépendantistes en place et les démissionner des institutions. Les institutions font partie de l’histoire de la lutte politique kanak : mairies, province nord, province îles, gouvernement et congrès.

Au vu de la situation et des raisons de la colère de la jeunesse kanak, la CCAT peut exiger un roulement des élu.e.s et/ou à faire en sorte que les ancien.ne.s cédent ou accompagnent les jeunes pour qu’ils/elles puissent prendre la relève. Mais est-ce dans la culture sociologique et politique actuelle du FLNKS? On doit hélas constater que les militant.e.s anciens, trop ancien.ne.s, élu.e.s et rélu.e.s, n’ont pas vu venir le souffle de révolte de leurs jeunes. J’avais intitulé un essai consacré à l’œuvre politique de Jean-Marie Tjibaou, Ce souffle venu des ancêtres, expression kanak que reprenait le grand homme dans une poésie écrite par lui. Le souffle des jeunes kanak est porté par le souffle des ancêtres.

On pourrait chanter en parodiant la chanson de Dalida-Delon, aouuu pardon les vieux et les jeunes pour la référence au showbiz français, Palabre Palabre et Palabre” ou faire du Coluche, aouu encore pardon : “Quand on pose une question à un énarque, le temps d’écouter sa réponse, on a oublié la question posée.” Bon, on va faire plus local : “le temps d’écouter parler ou palabrer les négociateurs professionnels kanak indépendantistes, rompus à l’art de parler, on a le temps de se saôuler la gueule en astiquant des cartons de bière.

Bon en tout cas, grâce à notre révolutionnaire Macron, l’alcool est interdit en Nouvelle-Calédonie. Le seul risque d’être saoûlé le sera par ces blas blas blas.

Je me souviens de ce que disait ma mère à l’une de ses petites filles qui l’a saoûlée de mots alors qu’elle jardinait et probablement s’entretenait avec les fleurs ou autres plantes : “Parle avec les oiseaux!

Je lui laisse en souvenir ce mot de la fin.

 

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