Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
 la courte échelle. éditions transit

éditeur solidaire et associatif, art et politique,

Samedi 25 et dimanche 26 mai. Nouméa. Chroniques d'Hamid Mokaddem (suite)

Publié le 26 Mai 2024 par Hamid Mokaddem in Kanaky Nouvelle Calédonie

Barrage filtrant du "Pont des Français" et graphiti sur une carcasse : Backes Bird allusion aux oiseaux migrateurs Barrage filtrant du "Pont des Français" et graphiti sur une carcasse : Backes Bird allusion aux oiseaux migrateurs

Barrage filtrant du "Pont des Français" et graphiti sur une carcasse : Backes Bird allusion aux oiseaux migrateurs

Journée du samedi 25 mai et nuit de samedi à dimanche 26 mai

Une situation empirique

Sans jouer sur le mot « empire », la situation empire. Elle devient empirique. On expérimente en Nouvelle-Calédonie la colonisation dans toute sa médiocrité. La venue du souverain autiste empereur – un sourd mal comprenant – n’a strictement, mais strictement rien arrangé. Les euphémismes lui sont appropriés : on dit « malentendant » pour un sourd et « mal comprenant » pour un con. Ce président de la République française, mal entendant et mal comprenant, sourd et con, souffle sur les braises. Ses dépenses improductives ruinent la Nouvelle-Calédonie.

Son aller-retour de 18h à Nouméa rallume de plus belle une nuit incendiaire. Lors de sa première venue en territoire kanak, il avait planté un cocotier à Hwadrilla (Ouvéa). A peine un an après, Maki Wéa me montra ironique la pousse de cocotier en train de pourrir. Tout ce qu’entreprend ce Caligula des finances est voué à pourrir.  Il vient, voit et vide. A peine reparti, la Nouvelle-Calédonie comptabilise un décès supplémentaire, un policier en civil qui a fait usage de son arme pour abattre un homme âgé de 48 ans. Un Kanak bien entendu. Des maisons appartenant à la bourgeoisie métropolitaine, venue se faire du fric au soleil, sont incendiées à Kaméré. Puis Dumbéa brûle sous des affrontements. Après la bilatérale avec Macron, Christian Tein, responsable du CCAT, durcit les barrages, exige que Macron retire sa loi constitutionnelle et que les responsables CCAT ne soient plus assignés à résidence. Circulation paralysée, fermetures des écoles jusqu’au 15 juin, coupures d’essence, raréfaction des nourritures et médicaments… Après Macron, le déluge. Sa surdité, son incurie politique, sont désastreuses. 

 

La stratégie de Macron

La situation de la Nouvelle-Calédonie observée par la planète, Macron n’en a cure et ne se soucie que de son image d’autorité de l’Etat. L’ autiste persévère dans sa puissance administrante. Sa souveraineté territorialise la France en Océanie. Il finit par créer une phobie de la France. La France souveraine impérialise sa place dans l’axe indo-pacifique. Elle aurait pu mieux se placer en composant avec toutes les populations intéressées des territoires océaniens et avec les Etats limitrophes. Non Macron agit pour l’intérêt d’une caste et de son image.

La situation est inextricable. Mais qui l’a rendu inextricable?  

Si ce n’est Emmanuel Macron, président de la République française. Il emporte dans sa valise :

Les deux incompétents Lecornu et Darmanin torpilleurs de la Nouvelle-Calédonie que refuse de voir le FLNKS.

Trois hauts-fonctionnaires de son Etat. Certes compétents mais des technocrates formés aux dossiers techniques. Macron désigne sans concertation des médiateurs qui sont en fait des cadres normant les règles d’un jeu imposé. L’Etat partial nomme pour recadrer, dialoguer. Mission du dialogue?  Non! Monologue de Macron qui impose ses propres règles. On connait la portée du concept de communication dans le capitalisme. Elle est à la politique ce que Bolloré est au capitalisme : la puissance souveraine de la communication. La communication théorisée et pratiquée par les modernes est verticale.

A lire le communiqué du 25 mai, les négociateurs désignés par le  FLNKS avaient souhaité auparavant que l’ONU fasse partie des médiateurs. Il souhaite maintenant ajouter aux trois cadres, profilés en techniciens, des missionnaires reconnus pour leur intelligence, leur expérience et leur connaissance de la Nouvelle-Calédonie. 

Au lieu du dialogue, on a un monologue pipé. Depuis 2022, l’Etat institue une méthode destructrice et désastreuse. La politique inégalitaire anti-indépendantiste contrôle la trajectoire de la Nouvelle-Calédonie jointe aux fictions et fantasmes d’axes commerciaux et financiers. Macron nie l’histoire, récuse la géopolitique et se contrefout des gens, des histoires, des cultures, des langues. 

L’accord de Nouméa était un pari politique sur l’intelligence. Sous quelles conditions pouvait-on expérimenter un devenir souverain incluant peuple kanak, peuple calédonien et peuple français transformant la citoyenneté en nationalité de Nouvelle-Calédonie ou de Kanaky-Nouvelle-Calédonie? Une grande figure et ancien leader politique calédonien, descendant des transportés algériens, Jean-Pierre Taïeb Aïfa militait pour la citoyenneté calédonienne composée de ces trois peuples et accusait de stupidité ce corps électoral. L’accord de Nouméa essayait de mettre en œuvre une politique prenant en considération le déséquilibre démographique institué par l’histoire politique de peuplement colonial. Certes la France suspendait la souveraineté de Kanaky pour faire place à un transfert de compétences qu’on peut estimer être une forme raffinée de recolonisation. Macron fait pire. Il empire et applique le rouleau compresseur du modèle formel de la démocratie « électorale » qui casse les équilibres si fragiles. Il minore le peuple originel, brise les essais et balbutiements des constructions difficiles des devenirs des rapports intercommunautaires. Macron fait un aller retour pour casser à la base tout dialogue. Du rapport kanak océanien à la parole, Macron fait semblant de le reconnaître. Il fonce et impose la violence dans son rapport symbolique de verticalité de sa parole souveraine.  L’absence de méthode politique impose un rapport de force où l’autre doit être transmué en même. Macron, avec ses clônes et doublons Lecornu/Darmanin, impose en Nouvelle-Calédonie sa conception de la démocratie moderne où la rhétorique de communication se réduit à l’ultimatum :  voici ce que vous devez entendre et faire sans comprendre en temps limité. 

On doit le dire de manière crue. Macron est un con qui fout son bordel partout où il passe; si les états-majors l’écoutaient, il ferait la guerre en Ukraine contre la Russie en envoyant nos jeunes au casse-pipe et en créant une instabilité en Europe. Il a fait pareil en Afrique. Maintenant au tour de l’Océanie. Macron, bordélisateur dangereux, légitime sa connerie au nom de la France, de la République et de la démocratie. Il s’était fait passer élève du philosophe universitaire Paul Ricoeur, prétendait avoir rédigé un mémoire sur Spinoza sous la direction d’Etienne Balibar. L’autiste aurait-il des prétentions de grand homme de l’histoire? Certains disent que sa loi constitutionnelle sur la modification du corps électoral n’obtiendrait pas les 3/5° requis au congrès de Versailles. Macron se joue des rouages des mécanismes des pouvoirs. Il improvise maintenant la tenue d’un référendum national sur le corps électoral. Macron au nom de l’ordre républicain produit du désordre. Ceci est inquiétant.

 

Macron tournant ultra libéral de la social-démocratie

Il me semble possible de théoriser ces passages en force. Macron, dans  la lignée d’Hollande, qui l’a installé dans son fauteuil de président, droitise à l’extrème le modèle formel de démocratie occidentale fondée sur la communication.

On assiste à un passage en force de la modernité. 

Plutôt que de radoter, je copie ci-dessous des extraits d’un texte critiquant le dernier livre de Touraine. Le professeur de sociologie affirmait être le soutien inconditionnel à la candidature de Macron pour le deuxième mandat de la présidence de la République. C’est parce que Touraine théorise la politique moderne de Macron, qu’on doit lire (avec plus de peine que de plaisir) son livre. Pourquoi faire? Pour comprendre ces passages en force globalisés vers la modernité – passage en force qui impose leur modèle de modernité sans comprendre celle des autres cultures et sociétés.  

 

Les Modernes et nous. Macron et ses passages en force vers la modernité. (Reprise partielle et modifiée d’une lecture inédite du dernier livre  d’Alain Touraine, Les sociétés modernes. Vivre avec des droits entre identité et intimité Paris Seuil coll. « la couleur des idées » février 2022).

Au moment où Emmanuel Macron avait fait passer en force les réformes libérales provoquant contestations et mouvements sociaux, il s’avèrait utile de relire de près certaines contributions qui cautionnent sous couvert de modernité une démocratie dévoyée et suspicieuse. Alain Touraine, comme bien d’autres intellectuels de gauche, n’a jamais caché son soutien à la candidature à la réélection de Macron. Dans Les sociétés modernes. Vivre avec des droits entre identité et intimité, il voyait en l’actuel président le porteur d’une social-démocratie moderne pouvant sauver la société française de ses impasses. 

Touraine théorise ce passage “obligé” par l’histoire vers la modernité. 

Nous passerions des sociétés industrielles aux sociétés modernes traversant des zones de turbulences, les montées en puissance des idéologies identitaires. La transition est un passage forcé. Pour le sociologue Touraine, une société moderne est une société où les acteurs composent celle-ci du fait qu’ils échangent et communiquent entre eux par des prestations de services. Les prestations de services s’entendent au sens large, incluant l’affectivité et le sentiment, formes sociales par excellence des communications. Par conséquent, la communication n’est pas réductible aux technologies numériques. Elle s’exprime par les relations passionnelles et l’intimité de l’intersubjectivation. Ce néologisme autorise Touraine à subjectiver sa sociologie et son engagement auprès des élites au pouvoir : « Le point de vue que j’adopte, c’est le mien propre, avec ma sociologie personnelle. Mais je crois à l’importance de son intervention au sommet de la crise de la société française (225). » L’essai est axé autour du sujet ou de la conscience de soi des acteurs modernes. Les sujets ne sont plus les individus assujettis des sociétés industrielles où le rapport homme/femme était dominé par le modèle phallocratique de la domination masculine. Les sociétés modernes sont celles des démocraties occidentales : par excellence les USA, suivis de quelques États européens – ce pourquoi l’auteur soutient l’union européenne et l’alliance entre la France et l’Allemagne. Au nom de la modernité, Touraine soutient la modernisation de la société par le candidat Macron. 

Ce point est suffisamment important pour s’y attarder en nous appuyant sur des passages précis du livre. La réforme sur les cotisations et durées des retraites de l’administration Macron s’appuie sur le rapport « Touraine », nom de Marisol Touraine, fille d’Alain Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé pendant toute la présidence de François Hollande de 2012 à 2017 dans les gouvernements Ayrault, Valls et Cazeneuve. Alain Touraine ne cesse de faire part des raisons de son choix de vote et de soutien à Emmanuel Macron : « Je ne vois à l’heure actuelle aucune candidature qui me semble s’imposer contre celle d’Emmanuel Macron à la condition je le répète, qu’une composante socialiste importante permette de mener dans la deuxième présidence d’Emmanuel Macron une politique de réinsertion sociale du plus grand nombre possible, de ceux qui se considèrent aujourd’hui comme des exclus. » (162) ; Ce qui ne sera jamais le cas. Encore moins dans tous les outre-mer de la République. On voit le résultat en Nouvelle-Calédonie. 

Touraine affiche nettement son soutien à Macron  : « […] en rappelant en premier lieu que j’ai soutenu Emmanuel Macron en 2017 […]  Plutôt que de mettre en cause le Président que je soutiens plus que jamais […] » (200) ; « Je considère le rôle d’Emmanuel Macron au niveau européen, et donc dans la politique internationale, comme un élément important de sa candidature à un nouveau quinquennat […]. » (212) ; « En 2017, j’ai voté Emmanuel Macron poussé par ma conscience aigüe de la crise et même de l’éclatement politique de la gauche française. Aujourd’hui, je pense que le choix proeuropéen est d’une importance capitale, car la mondialisation est un fait d’une portée considérable et les anciens États nationaux devront se rassembler régionalement pour pouvoir exercer une influence sur des décisions largement mondialisées » (359). Ce choix est encore explicité en page 359 : « Attendre une révolution des peuples est naïf, alors que le poids des monstres bolchévique et maoïste est encore si grand ; en revanche, nous devons garder notre préférence pour ce qui a été appelé la "social-démocratie", c’est-à-dire la supériorité des acteurs sociaux et leur liberté vis-à-vis des forces de l’État. » 

On y est ! Qu’est-ce que la social-démocratie? C’est la brusque et accélérée entrée dans les sociétés modernes devenues des sociétés de communication. L’entrée coïncide avec le retour de la subjectivation ou conscience de soi propre aux acteurs des sociétés modernes de communication. 

 

Mais en quoi cette thèse est-elle insupportable?

Touraine nous exhorte à nous impliquer dans une éthique moderne de la communication, c’est-à-dire une éthique militant pour la créativité des valeurs et d’un mouvement de la société contre l’État. Or l’éthique de la modernité pêche par ses vertus. En effet, les risques sont ceux des abus et excès de la modernité. Sous couvert de modernité et de démocratie, les modernes procèdent aux intégrations forcées des populations minorées, « non modernes », ou situées aux marges de la modernité, par les recours aux violences institutionnelle et symbolique. Quoi de plus criant que l’actuelle méthode de gouvernementalité forçant les gens au modèle social-démocrate au nom de la modernité et de la démocratie ! L’éthique de Touraine est une éthique de privilégié.e.s, d’élites, qui propose leur mode de vie en modèle à vivre oubliant que très peu de gens peuvent se permettre le luxe de vivre au-dessus de leurs moyens. 

Ce détour par la Touraine nous permet de mieux comprendre la politique de Macron en Nouvelle-Calédonie.

 

La communication inverse les énoncés : “Les Kanak viennent coloniser la Nouvelle-Calédonie blanche! 

Macron force la Nouvelle-Calédonie à devenir encore plus moderne, plus française. Dans un discours prononcé à Nouméa, Macron flirtait avec la Nouvelle-Calédonie : “La France serait encore plus belle avec la Nouvelle-Calédonie!” J’ai lu récemment un graffiti, autre forme de communication, qui répliquait : “La Nouvelle-Calédonie serait plus belle sans la France!” Macron réussit ce tour de force. Les Kanak en viennent à haïr la France. Comble du cynisme, les petits cuistres des communications, qui monopolisent les médias, martèlent les mots d’ordre de leur propagande :  la révolution kanak est “une émeute de racisme anti-blanc”. Le dernier pas est de dire : Les Kanak viennent coloniser la Nouvelle-Calédonie “blanche”! 

La démocratie devient une inversion réactionnaire et conservatrice des valeurs.

 

Dimanche matin 

Provocation de civils armés

Bruit d’explosion de lacrymogène vers 2 h du matin. Puis 5h. J’étais en train d’écrire le texte ci-dessus.

Une fois au barrage, les gars me disent que vers 2 h une voiture civile s’est rapprochée du rond-point. Derrière le bananier, ils ont tiré sur le barrage – barrage filtrant pourtant autorisé par la mairie et les forces de l’ordre pour la sécurité du quartier – puis ont pris la fuite.

Puis de nouveau vers cinq heures, un autre véhicule est venu. Cette fois-ci, ils ont tiré plusieurs grenades. Les hommes assurant le barrage se sont planqués pour éviter de se faire canarder.

Ils me racontent de manière comique avec mimique et gestuelle leur frousse. Avec un militant USTKE, je suis d’accord pour tenir informé de ces faits et gestes des provocateurs qui sèment encore plus de discorde alors qu’on essaie de sécuriser et créer du lien social dans le quartier.

Ils veulent provoquer les réactions violentes.

 

Commenter cet article