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 la courte échelle. éditions transit

éditeur solidaire et associatif, art et politique,

Les chroniques d'Hamid Mokaddem depuis Nouméa

Publié le 17 Mai 2024 par la courte échelle. éditions transit in Accueil, Kanaky Nouvelle Calédonie

"Normandie" dessin d'Hamid Mokaddem

"Normandie" dessin d'Hamid Mokaddem

Nous continuons le publication des chroniques d'Hamid Mokaddem. Après celle du 15 mai, les deuxsuivantes des 1§ et 17 mai) et un dessin qu'il a réalisé depuis le Quartier de "Normandie" (!)

 

16 mai 2024

La force de la démocratie

Ouvrant le poste télé pour avoir des nouvelles du monde, je m’aperçois que la Nouvelle-Calédonie fait la une. Je reste étonné aussi de ces expertes et experts qui occupent les espaces médiatiques et qui parlent de manière savante de l’histoire et de la situation de l’archipel. C’est magnifique tous ces érudits ! Qui parlent avec certitude de ce qui se passe et de ce qui se joue dans le bout du monde! Et aussi de ces discours de certitude assénant avec dogmatisme des jugements sur les “émeutiers” sur les “morts” sur la “démocratie” etc. etc. etc. Les incendiaires siégent aux plus hautes fonctions de l’Etat et décrétent et assujettisent les destinées des populations. 

Avec en suplus des leçons de démocratie. L’argumentaire répété, ressassé  et rabaché est que la Nouvelle-Calédonie s’est exprimée à trois reprises successives et désire rester dans la France. La démocratie est de respecter la décision exprimée par les trois “non” au référendum du transfert de souveraineté faisant accéder la Nouvelle-Calédonie à l’indépendance. Mais qu’indique les résultats des trois référendums? D’une part, une progression nette du “oui” entre le premier et deuxième référendum et d’autre part, un taux de participation faible pour le troisième référendum. La non participation au troisième référendum est-elle une peur des partisans du “oui” de perdre encore ? Ou est-elle motivée par un mobile que les partisans du non ne veulent pas entendre, regarder et comprendre : les rituels de deuil des Kanak touchés de manière massive par la mortalité de la pandémie. Un deuil, un rituel de deuil suppose un investissement des populations sans compter le travail de deuil. Ce qui fait que la sincérité du vote est remise en question. Les partisans du non n’en ont cure. Il n’existe pour eux que la force du nombre. La règle majoritaire de la démocratie entendue au sens le plus prosaïque. 

Encore une fois, l’Etat est souverain. Il joue la montre. Il est l’atout maître des règles du jeu. Il décide ou non de passer en force ou de mettre en avant des procédures. Deux articles modifient le corps électoral et une fois la loi constitutionnelle votée, Macron change de cap. Le dossier de la Nouvelle-Calédonie passe d’Oudinot-Bauvau à Matignon. Ah! Ces rouages de la démocratie! 

Macron milite en fin de compte pour l’indépendance. Les Gens sont fatigués de la démocratie à la Macron. Les Kanak. Mais aussi les Français. Pas ces Français locaux qui dissimulent ici leurs intérêts derrière les plis du drapeau tricolore! 

 

Vendredi 18 mai 2024 

De Petite Normandie

De très bonne heure, je déambule et arpente pour voir. Juste après l’autorisation de sortie du couvre-feu, le quartier de Normandie est devenue un désastre.

Le quartier de Petite Normandie jouxte la zone industrielle de Normandie, zone située après le rond-point ouvrant sur les entrées sud et nord de la voie express Nouméa-Mont-Dore. Si on pousuit, on se dirige droit vers Pont des Français puis plus loin, en birfuquant sur la droite, à Dumbéa ou sur la gauche, sur Nouméa.

Les cartographies égrènent les noms d’une France coloniale excentrée et recentrées aux références des histoires hexagonales. La zone industrielle de Normandie est une épave incendiée où meurent les restants de flammes. Au rond point, jonchent des cadavres de voitures calcinées ayant servis aux barrages. Il n’y a plus personne et on assiste à une ambiance sinistre. 

La couverture médiatique projette les esprits dans le virtuel. Tournent en boucle les montages faussant le réel des télévisions nationales. Inquiétante étrangeté.  La France cartographie et couvre de mots d’ordres les territoires déterritorialisées en oubliant ses populations : les jeunes Kanak romancent leur existence. On leur propose quoi ?  Des banques, des ronds-points, des surfaces commerciales, avec quelques échappatoires spirituelles telles que temples d’Assemblée de Jéhovah, écoles primaires heureusement et une petite médiathèque. Un espace sportif aussi.

Les milliers de jeunes de 15 à 26 ans (sources du Haussariat) ont sillonné les quartiers et échappent au contrôle des services d’ordre. Mais aussi bien aux bureaucraties des partis politiques, des comités et relais de ces partis. Les trois jeunes Kanak tués le furent par un fachiste armé en dehors des milices et groupes armés. Probablement un de ces nombreux militaires retraités des forces de l’ordre. On attend pour voir. Résultat de quarante années de bureaucratie politique, de consumérisme du capitalisme, de censures et corruptions, celles-ci maquillées, justifiées et embellies par les jeux des négociateurs, toujours pris dans les accords. Les Kanak ne sont pas contre les autres. Celles et ceux qui vivent ici : les communautés océaniennes, européennes, asiatiques, arabes, antillaises. Je ne pense pas non plus l’inverse. Qui a intérêt à diviser? Qui découpe le peuple en catégories de populations composant des corps électoraux les opposant les uns aux autres pour pouvoir instituer des modes d’être coupés du monde social? Tout à l’heure, discutant avec un ancien sécurisant la queue du magazin, j’apprends que les voisins et les populations du quartier se sont réunis pour protéger le collège de Normandie, et les deux magazins de proximité. On ne peut pas compter sur les politiques. On s’organise nous-mêmes avec tous les Gens quelque soit la couleur politique. Je lui ai dit : au moins ces émeutes auront permis de revivre ensemble.

 

 

 

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