Après le décès le 14 août de Dewe Gorodey, la grande écrivaine, poète, militante et femme politique kanak, Hamid Mokaddem nous a adressé ce très beau texte.
BRISE 1
Dewe for ever
Non Dewe n’est pas morte. Elle est passée de l’autre côté du miroir. Son esprit vif alerte nous épie ironique, sardonique. Avec sa gouaille sa verve, anguille insaisissable, entre extérieur et intérieur, visible et invisible. Son génie nous regarde, gai joyeux supérieur condescendant ; les aveugles-borgnes, les nombreux flics des ordres des colonies chaussés de leurs lunettes scolaires, n’entrevoient rien, pas même son œuvre. Monumentale. Oui une œuvre monumentale. Puissante persistante persévérante. Le grand Tjibaou a pratiqué inventé recomposé la politique. Seul Aimé Césaire l’avait vu. François Mitterrand entrevu. La reformulation permanente. Notre Déwé, elle, a innové en littérature et a recomposé à elle seule toute la littérature kanak contemporaine. Elle a réconcilié ce qui compose la force du discours : poésie et histoire. Une interprétation poétique de l’histoire. Une militante oui certes. Mais une militante de ce que le philosophe français Michel Foucault appelait une politique de la vérité. Oui Déwé a donné du sens du contenu de la saveur au concept mou fade de citoyenneté. Elle a permis aux autres composantes de prendre une place active dans l’espace politique en cours de constitution. Oui Déwé est unique. Femme une vraie de vraie féministe. De sa verve contre les temps qui courent tenant tête aux hommes les plus hauts les plus craints les plus respectables les mieux institués. Du haut de leur arrogance certitude se parant des titres. Comment mais comment ne pas voir tout ce qu’elle a fait aux services des autres ! Un jour les historiens montreront la densité et élégance de sa pratique politique. Exigeante elle l’était au point d’énerver les certitudes des uns et les normalités des autres. Oui de l’invisible proche visible oui Déwé on te sait toujours là où les autres croient que tu n’es pas. Oui grande sœur amie camarade grande dame du Pays oui nous ne sommes pas tristes. On te sait là. Un jour tu m’as demandé en silence presque de préfacer les œuvres complètes de ton père Waïa. Oui je tiendrai promesse par-delà les faux-semblants les appétits de gloire. Pour l’émancipation pour la grandeur universelle de ta culture et de ton histoire kanak. Que tu sus partager avec générosité et fermeté. Oui je le ferai. Au nom de l’universel contenu dans le singulier.
Aurevoir Amie. Impossible de t’oublier. Je sais que de l’éternité je te sens présente et je te devine encore plus proche, de la proximité du mouvement réel vrai, des dui des mwâken des ancêtres, tout juste à côté de nous. Toujours là, en-deçà et au-delà. Il est un temps pour tout. Je parlerai de tes magnifiques de tes splendides de tes insolites écrits. Au moment voulu. Là l’instant est à celui des bribes. Des brises. Dans les brisures de l’Aube. En voici une première.
Hamid Mokaddem le 19 août 2022
dernière mise à jour le 22/08/2022