Nous avons lancer une souscription de 2000 € pour l'édition du livre d'Andréas Pfersmann La littérature irradiée. Les essais nucléaires en Polynésie française au prisme de l’écriture que nous comptons mettre en circulation au mois de juin. Pour le moment nous avons atteint 40% de l'objectif et nous comptons sur nos ami.e.s, lectrices et lecteurs. N'hésitez pas à participer à cette souscription et à la faire connaître. Merci.
Nous vous proposons ci-dessous un extrait du premier texte qu'Andreas Pfersmann nous a envoyé il y a quelques semaines, lecture qui nous a immédiatement convaincu que ce manuscrit proposé devait être rapidement édité et trouvait naturellement sa place dans les thématiques et la ligne éditoriale de nos éditions.
"... Dans les romans d’espionnage métropolitains des années 1960 et 1970, la Polynésie sert essentiellement de décor et le CEP de prétexte pour des récits aussi riches que possible en actions et rebondissements divers qui mettent à l’épreuve la capacité d’agents secrets de défendre héroïquement les intérêts français dans le Pacifique. Le rôle des populations locales est négligeable dans ces récits où les vahinés incarnent fidèlement les stéréotypes hérités du mythe de la Nouvelle Cythère. Cette invisibilité des Tahitiens se retrouve même dans les romans d’aventure néo-zélandais autour de navigateurs et de navigatrices décidées à perturber, aux alentours de Moruroa, les essais français. Ce n’est que dans les romans d’espionnage hostiles au CEP, dans Tiurai et Le Seigneur des atolls, que les Polynésiens deviennent des acteurs à part entière de la fable et qu’on entrevoit les effets sociaux de la politique nucléaire à Tahiti ou dans un microcosme ilien (Tureia). Ce sont ces transformations de la société polynésienne, l’atteinte de son rapport à la terre par la contamination radioactive, l’aggravation des écarts économiques entre l’élite « demie » enrichie par l’économie du CEP et le sous- prolétariat des kaina, les mensonges des autorités françaises et les complicités des élus locaux, les conséquences écologiques et sanitaires qui sont au cœur de la littérature francophone en Polynésie. Dans Mutismes, comme dans L’Île des rêves écrasés et Le Bambou noir, les essais nucléaires de la France s’inscrivent dans une logique coloniale et apparaissent comme la dernière étape d’une longue spoliation. Les romans de Chantal T. Spitz, de Titaua Peu et de Jean-Marc Tera’ituatini Pambrun n’occultent pas les divisions que le CEP (jamais nommé tel quel) produit à l’intérieur de cette société voire au sein des familles tahitiennes entre adeptes des essais attachés aux retombées économiques et ceux qui leur sont hostiles, pour des raisons aussi bien politiques qu’écologiques et sanitaires. D’abord vécue comme « déchirure », les essais nucléaires contribuent à réveiller à la fois le sentiment identitaire et la conscience politique et anticoloniale des protagonistes qui adhèrent aux idéaux indépendantistes (L’Îles des rêves écrasés) ou deviennent des leaders du parti qui les incarne (Mutismes). Plus récemment, la question des pathologies radio-induites est devenu un leitmotiv tragique, que ce soit dans le roman (Rai Chaze, Avant la saison des pluies) ou lors des performances du Pina’ina’i...*
*Organisée depuis 2011 par l’association Litterama’ohi en partenariat avec Te Fare Tauhiti Nui , Te Pina’ina’i est une création devenue un rendez-vous incontournable de la culture Polynésienne qui réunit auteurs, lecteurs, danseurs, chorégraphes et musiciens.