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 la courte échelle. éditions transit

éditeur solidaire et associatif, art et politique,

Hamid Mokaddem. Nouméa. Chronique du mardi 4 et du mercredi 5 juin

Publié le 5 Juin 2024 par la courte échelle. éditions transit in Kanaky Nouvelle Calédonie, Contribution

Hamid Mokaddem. Nouméa. Chronique du mardi 4 et du mercredi 5 juin
Hamid Mokaddem. Nouméa. Chronique du mardi 4 et du mercredi 5 juin
Hamid Mokaddem. Nouméa. Chronique du mardi 4 et du mercredi 5 juin

Chronique du Mardi 4 juin

Les communiqués rendent tout message inaudible

Les communiqués entrent en collusion. Au point de déstabiliser. Ne plus savoir quoi penser. Ni comment agir.

Le membre du gouvernement local, en charge du secteur des transports, président du conseil d’administration du Port autonome, ne renouvelle pas le contrat du directeur. Le Port est menacé d’être bloqué. Sous la pression des adversaires politiques, précisément d’autres membres du même gouvernement « collégial » sachant que ce port est stratégique. Il assure ravitaillement des biens et des marchandises nécessaires à la survie de l’île. Malgré Maurice Lenormand et Jean-Marie Tjibaou, il n’y a toujours pas de port en zone franche en dehors de Nouméa. Tout est centralisé.

Ces hommes et ces femmes, responsables politiques, sont-ils/elles capables de prendre en otages les populations civiles ?

Hier, la télévision locale fait jouer un communiqué contre un autre. A la tribu de Saint Laurent à Païta (mairie gérée par le clientélisme dénoncé par la justice), deux militants blessés par les tirs de gendarmes sont hospitalisés. Ils seront jugés, selon un communiqué du procureur de la République, pour avoir attenté à la vie des agents des forces de l’ordre. Deux gendarmes ont répliqué contre ces tirs de forcenés en voiture. Le communiqué CCAT de Païta contredit l’information et affirme qu’une voiture « civile » aurait forcé le barrage. Les occupants ont tiré sur deux militants. La milice est clairement pointée du doigt. Du coup, la CCAT de Païta va renforcer le barrage au col des pirogues pour empêcher la circulation entre Nouméa et l’aéroport international.

En Province Nord, à Népoui, le site minier est attaqué visant le stock de la SLN qui alimente l’usine de Doniambo.

Suite à la venue en courant d’air du président de la République, le bureau politique du FLNKS, élargi aux autres partis nationalistes et à la CCAT, rédigé un courrier communiqué aux trois hauts fonctionnaires, missionnés par Emmanuel Macron, pour « négocier » et/ou « dialoguer ».

En lisant ces communiqués et courriers rendus publics, on croirait entendre un sketch du comique français Coluche parodiant les façons de dire et de faire des journalistes et des politiques.

Je cite l’extrait du communiqué du FLNKS du 31 mai :

Malgré la tenue de plusieurs réunions avec les militants mobilisés sur les barrages et la diffusion de deux communiqués du FLNKS en date des 22 et 25 mai 2024 appelant à l’apaisement et à « desserrer l’étau sur les principaux axes de circulation » force est de constater1 que ce message reste difficilement audible sur le terrain (je souligne) et ne permet pas, à ce jour, de rétablir des conditions de circulations satisfaisantes pour tout le monde.

Avant-hier, des jeunes militants de la vallée du Tir (dois-je répéter que je ne suis pas auteur de ces toponymes dignes d’un guide colonial) sont venus à Petite Normandie afin d’obtenir des explications. J’apprends par la suite qu’ils se sont déplacés dans d’autres barrages filtrants en semant le doute. Un « papa », militant tempérant, modérait leur désir d’en découdre avec les forces de l’ordre en musclant encore plus les barrages.

Il y a absence de message clair. (Ceci est écrit avant la conférence de presse de la CCAT prévue ce vendredi prochain).

Pour rendre audible un message, encore faudrait-il que celui-ci existe et qu’une fois créé qu’il y ait une communication de ce message. Je ne crois pas que les négociateurs aient entendu les leçons inaudibles de certains théoriciens modernes postulant l’impossibilité de toute communication. Tout message est inaudible, transformé, mal entendu, ou fondé sur du leurre : quiproquo comique, faux-semblant d’écoute, mots d’ordre en marqueurs de pouvoir etc.

La guerre des communiqués donne l’impression que plus personne ne gouverne plus rien.

La Nouvelle-Calédonie est suspendue aux jeux et calculs des négociateurs. On fait du surplace. Mais, ceci n’est pas nouveau.

 

Mercredi 5 juin

Drapeau Kanaky des barrages filtrants/Drapeau Blanc des barricades forteresses

Hier, je me suis déplacé au siège de l’UC, QG de la CCAT, pour obtenir des informations fiables et précises.

Aujourd’hui, en compagnie de deux militants composant la CCAT, Sylvain B. et Henri W., j’y suis retourné. Toujours pour entendre le message.

Christian Tein cette fois-ci était présent de retour de ses tournées pour communiquer avec les comités de Brousse. Son discours se situait à hauteur du combat pour atteindre et ramener Kanaky. Il prenait à témoin le drapeau de Kanaky tapissé sur l’un des murs lui faisant face. L’information pourfendait rumeurs et crevait les abcès des malveillances.

Le discours dissipait les doutes. Kanaky planait au-dessus des suspicions. Le discours faisait penser aux rhétoriques politiques des Tjibaou, Machoro et Yeiwene Yeiwene. Nous sommes au siège historique de l’UC.

Tout le pays est mobilisé. La Province nord, mais aussi une partie de la Province sud, se mobilisent pour Kanaky. Il rapporte que Sonia Backès, présidente de la Province sud, s’est faite raccompagnée à son véhicule par les autorités coutumières de Bourail. Ils l’ont priée de retourner à Nouméa. Elle voulait participer et/ou faire un meeting « loyaliste ». Les Gens n’ont pas oublié qu’elle avait appelé de ses vœux ce « bordel » qu’on subit maintenant en Nouvelle-Calédonie.

Christian Tein, puis d’autres orateurs, ont pris à témoin le drapeau de Kanaky. Drapeau brandi sur les barricades et lors de toutes les précédentes manifestations pour marquer la présence kanak. Ce combat est un bonheur martèle Christian Tein. Il n’y aura plus d’autres occasions.

Les barricades-forteresses par opposition aux barrages filtrants brandissent un drapeau blanc. Les habitants revendiquant le désir de vivre en paix et en sécurité dans leurs quartiers.

Que vaut cette blancheur ? Certes le climat anxiogène insupportable blanchit cheveux et nuits sans sommeil.

Dans un communiqué (encore), le président de l’UC accuse l’État d’être responsable du climat anxiogène de guerre civile traitant et maltraitant les militants en émeutiers à mater.

Le dramaturge kanak Pierre Wakaw Gope caricaturait les élections référendaires dans une pièce bouffonne Moi je vote Blanc. Le grotesque jouait sur l’ambivalence : Moi Noir je vote Blanc.

Le drapeau fut drapeau du Pays kanak en 1983 puis drapeau Kanaky en 1985 nommé drapeau FLNKS en 1989 et aujourd’hui renommé drapeau Kanaky. Il est brandi par les gosses kanak.

La composition est harmonieuse : la flèche faitière centrée dans le soleil placé sur les trois bandes horizontales Bleu Rouge Vert. La symbolique kanak océanienne est forte. Le rouge renvoie à la lutte et au sang des utérins, un des marqueurs culturels majeurs des structures coutumières kanak. Le Bleu du Ciel du Pacifique. Le Vert de la Nature. Le Soleil de l’Océanie, du Pays Kanak. La flèche faîtière posée au somment de la toiture de la Case, métonymie du Pays Kanak. Flèche qu’on place parfois dans les cimetières des chefferies. L’ensemble exprime la puissance souveraine. Elle règne sur la terre, la mer, l’air, l’invisible, sur les vivants, les éléments cosmiques de Kanaky. Le drapeau exprime le devenir souverain.

Comment voulez-vous qu’un drapeau Blanc puisse éclipser le drapeau Kanaky ?

Comment voulez-vous que la France qui tue des jeunes Kanak ne renforce pas leur conviction de Kanaky ?

On va finir par croire que le plus grand défenseur de la cause de Kanaky, c’est Emmanuel Macron !

 

 

 

1 « Force est de constater », la locution verbale est comique. On pourrait à l’inverse affirmer que « force est de constater » que plus personne ne contrôle plus rien.

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