Mai 1987, 39 ans après la Nakba, la Catastrophe qui démembra la Palestine et disloqua son peuple. Premier voyage en Territoires Occupés, papier et stylo en main, appareil photo en bandoulière, souvent de l’émotion plein le cœur, parfois des larmes plein les yeux lorsque les sentiments s’emballent à ressentir tant de souffrance. Journalistes, envoyés spéciaux ou permanents, quelle que soit leur volonté de rester « en retrait » n’en restent pas moins des humains et des citoyens.
Premier choc avec la découverte, à la nuit tombante, de Nazareth et en son sein, ce vieil homme dont les mains maladroites ouvrent une boite en carton, une antique boite de chaussures d’où il extrait maladroitement de vieilles feuilles jaunies : les titres de propriétés des terres familiales dans le village de Saffuriyya à 6 kilomètres au nord-est de la grande ville palestinienne de Galilée. Avec délicatesse, douceur, amour, il les manipule. C’est un très vieil homme en habit traditionnel, ses paroles sont incompréhensibles, le traducteur reste silencieux, comme fasciné par les mains qui tremblent devant des trésors pieusement conservés. Impossible de lire ces pages d’un autre temps, l’émotion du vieillard transpire à travers chaque pore de sa peau. Il frissonne à montrer ce qui le relie à sa terre, cette ultime preuve en sa possession pour espérer un jour retourner dans sa maison, dans son village…
… détruits
Dans la boîte entrouverte soigneusement posée sur la table, se trouve la clef, la clef de la maison familiale. Et la douleur du vieillard est insurmontable, son émotion se diffuse, comme pour le soulager un court instant. Lui raconte, dit, parle, se parle, son émotion si poignante se communique, envahit, étouffe … les mots sont impuissants à soulager sa souffrance, le silence s’impose à tous.
Puis l’heure vient de se quitter, les précieux documents sont repliés, précautionneusement, délicatement : il les couche, les borde comme une mère borde son nouveau-né…
ferme la boite où dort la clef …
la range avec mille précautions dans un tiroir
d’un meuble sans âge
et d’un pas lourd s’enfonce dans l’obscurité d’un couloir
....
C'est ainsi que débute le livre d'Annie Fiore La Grande Marche du retour. Témoignages de Palestinien.nes 7O ans après la Nakba que vous pouvez vous procurer auprès de toutes les librairies ou sur notre site.