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 la courte échelle. éditions transit

éditeur solidaire et associatif, art et politique,

Les dessins d’enfants en Palestine dans la Bande de Gaza, mai 2003 : Introduction par Muriel Modr

Publié le 29 Juin 2005 par La courte échelle/éditions transit in Nos expositions

Je suis étrangère présente sur un sol occupé par des étrangers que je ne suis pas venue rencontrer. Ce sont les Palestiniens que je viens rencontrer. Je ne sais pas dialoguer dans la langue arabe mais je suis accompagnée de bons traducteurs. J ’ ai reçu chaque dessin d’enfant comme une lettre. D’un seul mouvement, dans un temps unique, le dessin n’est pas retravaillé. Grâce à la traduction des étudiants présents , quelques enfants ont eu la possibilité de me transmettre un commentaire, court parceque le temps est court, pas seulement à cause de mon organisation. Le temps en Palestine ne se déroule pas, il est en fragments imprésibles liés aux ruptures imposées par les agressions de l’armée israélienne. Chaque instant posé pour faire quelque chose est un instant de gagné. Les étudiants, sont presque tous des enfants de la première intifada, j’ai été témoin pendant un mois de leur présence dans les centres culturels et jardins d’enfants, animateurs, en collaboration avec les responsables de chaque centre. Avec une grande douceur femmes et hommes écoutent les commentaires reconnaissant eux mêmes ce qu’ils vivent au quotidien et chaque fois qu’ils aperçoivent une possibilité d’évasion dans l’expression, ils proposent aux enfants de s’en saisir Rentrée en France, j’ai réalisé en regardant ces dessins un par un , combien ils montraient le réel , ils sont inconsommables contrairement au journal télévisé. En regardant les photographies, le contraste entre la tenue et la personnalité de chaque enfant face aux entraves de la vie quotidienne, j’ai ressenti à nouveau le soin du vouloir vivre, j’ai ré-entendu ” c’est aussi pour demain” . Palestine, conflit, j’entends souvent le mot “la situation” à la place de colonisation armée et peut on situer le mot Palestine sur une carte? “Ces territoires” où la terre est de plus en plus racourcie et ne peut officiellement être nommée , sont comme des tremblements de terre quotidiens, des catastrophes sans les secours de l’aide humanitaire internationale. Ce sont des tanks, des bulldozers, qui font la carastrophe , la nakba . Destructions visant à déstructurer l’organisation de la vie , qui obligent les enfants à grandir sans les repères d’une route partant d’ une maison vers l’école , du champ d’olivier qui n’est plus un champ mais une terre détruite. L’ hôpital en ruine n’est plus le lieu de la réparation du corps , la mer n’est plus un lieu d’évasion c’est l’appropriation des colons et s’en approcher pour prendre un bain, c’est risquer sa vie. Tous les jours des enfants échappent à la surveillance des adultes et certains risquent leur vie pour vivre , pour s’inventer des repères que l’armée israélienne leur interdit. Ils risquent aussi leur vie pour jouer, pour s’approcher des murs gardés par les miradors, pour un cerf volant qui suit le vent qui ne reconnaît pas l’armée. Ils risquent et perdent leur vie devant un char devant lequel ils se postent avec des pierres, car ne pas braver cette peur c’est ne pas résister à la peur et se réfugier dans l’ombre d’une maison, qui de toute façon ne signifie plus depuis longtemps la sécurité. Personne ne peut vivre avec la peur sans la défier, un grand nombre d’entre eux sont malades de l’agression quotidienne de jour et de nuit , du couvre feux total sur des jours et des jours. Lorsqu’ils bravent l’interdiction de sortir c’est pour prendre une bouffée de vie et concrètement se mesurer à être encore debout demain. D’où prennent ils cette force ces enfants là , qui ne sont pas différents de tant d’autres enfants? Peut être d’un endroit que les adultes de l’armée occupante ne peuvent saisir, d’un désir naturel de vivre et grandir qui n’ appartient qu’à eux ? Tant qu’ils arrivent à échapper à l’agresseur et que la société palestinienne échappe elle même au renoncement, cela forme une unité qui se projette dans un avenir tourné vers un monde ouvert. Marseille, mars 2004 Muriel Modr
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